Performance et syncope
en Apnée sportive
Performance et syncope
en Apnée sportive
Augmenter ses réserves en oxygène
L’oxygène est un gaz essentiel au métabolisme et à la survie de l’organisme. En effet, il est puisé par le système ventilatoire à partir de l’air atmosphérique et est amené jusqu’aux tissus cellulaires. La respiration est une fonction vitale pour tout être vivant. L’arrêt prolongé de la ventilation peut provoquer la mort, c’est pourquoi la durée de l’apnée comporte des limites.
Il est alors légitime de poser l’hypothèse suivante :
Si on peut augmenter la capacité respiratoire, on peut améliorer la durée de l’apnée et la performance sans risquer une syncope.
Nous avons réalisé une expérience pour connaître notre capacité respiratoire afin de pouvoir la comparer avec la capacité respiratoire d’un plongeur en apnée de compétition.
Pour cela, nous disposons d’un spiromètre qui consiste à mesurer les volumes d’air inspirés et expirés par un individu, et qui peut servir également à relever les débits respiratoires (volume courant d’air par la fréquence respiratoire en L/min).
Pour notre expérience, nous nous sommes focalisées sur la capacité vitale forcée (CVF), c’est-à-dire, le volume d’air expulsé avec force jusqu’au volume résiduel (volume d’air se trouvant dans les poumons à la fin de l’expiration forcée) à partir de la capacité pulmonaire totale.
Nous faisons l’expérience sur un échantillon d’élèves de notre classe de première S2 mixtes.
Matériel utilisé :
¬Une interface ORPHY GTS (permet un branchement facile de n’importe quel appareil de mesure)
¬Cellule volumétrique
¬Visuel ORPHY EXPERT (logiciel permettant de déclarer tous types d’expériences à partir d’une interface et d’un ensemble de capteurs).
source :e.m.c.2.free.fr
Méthode :
Il s’agit de faire respirer chaque élève dans un spiromètre. Tout d’abord, le faire respirer normalement, puis à un moment précis, lui demander d’inspirer à fond et souffler le plus rapidement possible tout l’air de ses poumons dans le spiromètre. Cela va nous permettre alors de comparer les différents volumes d’air inspirés et expirés avec force de chaque élèves.
Nous obtenons les graphiques suivants :
Notons que la courbe de fréquence à gauche représente les inspirations de l’individu, et à droite, les expirations. Nous pouvons voir ici le volume de réserve inspiratoire, c’est-à-dire, le volume maximum pouvant être inspiré en plus du volume courant lors d’une inspiration profonde (VRI), ainsi que le volume de réserve expiratoire : volume maximum pouvant être rejeté en plus du volume courant lors d’une expiration profonde (VRE).
Volumes pulmonaires mesurés en spirométrie (d’après la thèse du Dr Anouk Dematteo)
Ce graphique nous montre l’amplitude et la fréquence des cycles respiratoires d’un individu.
VC : volume courant : volume mobilisé à chaque cycle respiratoire pendant une respiration normale.
FR : fréquence respiratoire
VRI : volume de réserve inspiratoire : volume maximum pouvant être inspiré en plus du volume courant à l’occasion d’une inspiration profonde.
VRE : volume de réserve expiratoire : volume maximum pouvant être rejeté en plus du volume courant à l’occasion d’une expiration profonde.
VR : volume résiduel *: volume d’air se trouvant dans les poumons à la fin d’expiration forcée.
CVF : capacité vitale forcée : volume d’air expulsé avec force jusqu’au volume résiduel à partir de la capacité pulmonaire totale.
Analyse des résultats
Nous pouvons observer que la fréquence respiratoire au repos reste constante lors des inspirations ainsi que lors des expirations. Nous avons donc calculé grâce à ces données la capacité pulmonaire de chaque personne ayant participé à l’expérience :
Nous faisons la moyenne de leurs capacités pulmonaires* pour pouvoir, par la suite, comparer avec les plongeurs en apnée de compétition :
(2+2,1+2,7+3,3+3,5) / 5 = 3 L
Quelle est la capacité respiratoire des champions d’apnée ?
Après quelques recherches sur internet, nous avons pu trouver la capacité pulmonaire* de 4 champions d’apnée connus :
¬Stéphane Mifsud (recordman du monde d’apnée statique) : 10,5 L. C’est le double de la moyenne !
¬Umberto Pelizzari (apnéiste italien) : 8 L.
¬Guillaume Néry (champion du monde en poids constant) : 8 L.
¬Deborah Andollo (championne d’apnée cubaine) : 6 L.
Nous remarquons que la capacité respiratoire des plongeurs en apnée de compétition est nettement supérieure à celle d’individus sans entraînement (ne pratiquant pas l’apnée régulièrement). Cela prouve que nous n’avons pas les capacités de ces athlètes et que l’entraînement est fondamental pour atteindre ce niveau.
De manière plus générale, la capacité vitale chez l’homme et la femme est différente : en effet chez l’homme elle est de 4,8 L et chez la femme 3,4 L. Les valeurs varient donc selon le sexe et les individus ainsi que selon l’âge et l’entraînement.
De plus, il est aussi prouvé que le volume résiduel* varie chez les compétiteurs. En effet, l’entraînement augmente tous les volumes de 5 à 10 % aux dépens du volume résiduel* qui décroît de 10 %.
(Tiré du livre « L’Apnée De la théorie à la pratique » de Frédéric Lemaître)
Avoir un volume résiduel* bas est un avantage pour les plongeurs en apnée de compétition car cela leur permet de tenir plus longtemps et de descendre plus profond. En effet en diminuant le volume résiduel*, ils augmentent la quantité d’air disponible donc leur capacité respiratoire.
Nous venons de montrer que la capacité respiratoire des champions est exceptionnelle. On se demande alors :
Comment peuvent-ils acquérir ce résultat ?
Selon Guillaume Néry, ce résultat s’obtient « en augmentant sa musculature ventilatoire et en pratiquant des exercices d’étirement et de souplesse qui mettent l’accent sur la cage thoracique ».
Comment augmenter la musculature ventilatoire* :
Le travail musculaire permet d’augmenter la capacité respiratoire. Pour les apnéistes, les muscles les plus importants sont les muscles de l’inspiration : le diaphragme et les muscles intercostaux.
¬Le diaphragme, muscle principal, sépare la cavité thoracique de la cavité abdominale. Il joue un rôle clef dans la ventilation. Sa contraction permet d’augmenter le diamètre vertical et horizontal de la cage thoracique (cela permettra alors de diminuer la pression alvéolaire).
Le diaphragme (tiré de la thèse du Dr Anouk Dematteo)
¬Les muscles intercostaux sont des muscles situés entre les côtes et qui interviennent uniquement lors de l’inspiration forcée.
Les muscles intercostaux (tiré de la thèse du Dr Anouk Dematteo)
Notons qu’une dizaine d’autres muscles participent aussi à la ventilation tels que les muscles abdominaux, les pectoraux...
De nombreux sports contribuent indirectement à l’amélioration de ces groupes musculaires. En effet, les compétiteurs préconisent un travail aérobie (travail musculaire en présence d’oxygène) en complément de l’entraînement spécifique de l’apnée. Ce travail pourra se faire par la natation ou d’autres sports d’endurance tels que le vélo ou la course.
Comment augmenter la souplesse de la cage thoracique
Les apnéistes utilisent des techniques de yoga afin d’assouplir, d’étirer et de tonifier le corps.
Ils améliorent aussi mécaniquement leurs capacités de contraction et de dilatation de la cage thoracique (grâce encore à des exercices de yoga) : par exemple, dans des positions particulières, ils contraignent à mobiliser une partie des poumons, favorisant leur fonctionnalité et la souplesse de la cage thoracique. Nous pouvons ajouter qu’ils peuvent dilater des zones proches de l’épaule !
Ainsi augmenter la souplesse de la cage thoracique leur permettra d’une part
d’augmenter leur capacité pulmonaire*, et d’autre part, de diminuer le volume résiduel.
Existe-t-il d’autres possibilités d’augmenter la capacité respiratoire ?
Dans son interview, Guillaume Néry nous décrit une technique ventilatoire qui permet également d’augmenter leurs réserves d’oxygène: la technique de la « carpe ».
Cette technique consiste à emmagasiner un surplus d’air après avoir effectué une inspiration forcée, par un mouvement de pompage des lèvres (glotte bloquée) qui comprime une petite quantité d’air avant de la faire passer dans les poumons. La technique de la « carpe » vient de la ressemblance entre la bouche du poisson et les mouvements de lèvres qu’effectue l’apnéiste.
Cette technique est avantageuse pour deux raisons :
¬Il parvient à mettre plus d’air , donc plus d’oxygène dans ses poumons. En effet, des études spirométriques ont montré qu’il était possible d’emmagasiner 25 % d’air supplémentaire après une inspiration complète !
¬L’air est contenu sous pression dans les poumons : la PO2 (pression partielle d’O2) augmente, donc le passage de l’oxygène vers le sang sera facilité.
¬Le gain obtenu en moyenne grâce à cette technique est considérable : de 1 L à 1,5L !
Mais ne présente-t-elle pas de risques ?
D’après Anouk Dematteo : « cette surpression au niveau thoracique provoque une sensation désagréable de distention pulmonaire gênant la détente et le relâchement corporel ».
De plus l’absence d’étude sur le long terme ne permet pas d’exclure l’apparition de lésions pulmonaires. Pourtant la grande majorité des champions et recordmans d’apnée l’utilise.
Par ailleurs, Guillaume Néry nous précise qu’il effectue régulièrement dans sa préparation des stages en altitude. L’objectif est d’accentuer l’adaptation physiologique de l’organisme à un manque chronique d’oxygène : en effet, le stage en altitude permet d’augmenter le nombre de globules rouges et la quantité d’hémoglobine. Or l’oxygène se trouve essentiellement sous forme d’oxyhémoglobine dans le sang. Ainsi, la capacité de stockage de l’oxygène sera considérablement augmentée.
Comment l’entraînement en altitude permet-il à l’apnéiste d’augmenter sa capacité respiratoire ?
Nous savons que plus on monte en altitude, plus la pression atmosphérique est faible. Cette baisse de la pression atmosphérique entraîne une baisse de la pression en oxygène et va donc avoir pour conséquence une baisse de l’oxygénation des poumons puis du sang. Afin de s’adapter, l’organisme va mettre en route une série de réactions :
D’après le Dr Fabrice KUHN (médecin du sport), le séjour en altitude peut entraîner des effets bénéfiques. Cependant l’altitude diminue les performances physiques et sportives. L’idéal est donc de s’entraîner en moyenne altitude (vers 1000 ou 1200 mètres) et de dormir en haute altitude (au dessus de 1500 mètres voire 2000 mètres ou plus). Pour être bénéfique le séjour en altitude doit être suffisamment long et bien placé dans le planning du sportif.
Qu’est-ce que la capacité respiratoire et comment la mesure-t-on ?
Nous venons de démontrer que les apnéistes experts ont une capacité pulmonaire* de départ souvent supérieure à la normale (=capacité respiratoire innée). Ils parviennent pourtant à l’augmenter considérablement grâce à des techniques spécifiques d’entraînement et des exercices favorisant la souplesse de la cage thoracique (=capacité respiratoire acquise). La technique de la carpe accroît encore la quantité d’air stockée. Tous ces moyens leur permettent donc d’améliorer leur performance et également de se prémunir du risque de syncope hypoxique*. Donc notre première hypothèse est validée.